Les étapes de la transition

Genèse

La Transition a débuté sous la contrainte militaire de la coalition SELEKA dès la fin de l’année 2012. Une transition atypique qui s’est faite en trois phases avec des acteurs différents, notamment les Chefs d’Etat François BOZIZE de janvier 2013 à mars 2013, Michel DOTODJA de mars 2013 à Janvier 2014 et enfin par Catherine SAMBA-PANZA de janvier 2014 à mars 2016. 

En effet, l’offensive fulgurante menée par la rébellion de la coalition SELEKA en décembre 2012 et sa progression rapide vers Bangui a conduit les Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) à réunir, à Libreville au Gabon, tous les protagonistes de la crise, aux fins de trouver une solution politique consensuelle de sortie de crise. Un compromis sera obtenu autour d’un accord politique. Signé le 11 janvier 2013, l’Accord de Libreville sur la résolution de la crise en République Centrafricaine devait permettre d’éviter une nouvelle prise de pouvoir par la force et d’ouvrir une période de pouvoir partagé de trois ans. Un gouvernement d’Union Nationale dirigé par Nicolas TIANGAYE a ainsi été constitué.

Mais la résistance du pouvoir BOZIZE à respecter l’esprit et la lettre de cet accord, l’épreuve de force permanente entre les protagonistes de la crise, l’absence de concertation politique et un rapport de forces sur le terrain favorable à la Coalition SELEKA ont conduit à l’échec de cette première transition.

Finalement, la prise de pouvoir par la coalition SELEKA le 24 mars 2013 a mis un terme au régime de François BOZIZE et a plongé le pays dans une nouvelle crise à la fois sécuritaire, politique et humanitaire. L’Assemblée Nationale est dissoute ainsi que les autres institutions de la République. Un Conseil National de Transition (CNT) constitué des représentants de toutes les composantes de la société centrafricaine va siéger à l’Assemblé Nationale et fera office de pouvoir législatif.

Face à ce changement de pouvoir inconstitutionnel, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) et d’autres partenaires de la République Centrafricaine ont opté pour un nouveau compromis : une reconnaissance de fait du nouveau pouvoir dans le cadre d’une transition consensuelle sous contrôle international, consacrée par les Sommets extraordinaires de la CEEAC tenus à N’Djaména les 03 et 18 avril 2013.

Devant la spirale de violences perpétrées par les Combattants de la SELEKA ainsi que par les milices anti-Balaka et le risque d’enlisement de la Transition, un nouveau compromis, sous-tendu par la démission de Michel DJOTODIA, va être trouvé le 09 janvier 2014 à N’Djamena, à l’issue du 6ème Sommet extraordinaire des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEEAC.

Le processus de désignation du nouveau Chef de l’Etat de la Transition a été confié au Conseil National de Transition.

De retour à Bangui, après quelques jours de présidence transitoire assurée par le Président du Conseil National de Transition, Alexandre Ferdinand NGUENDET, Catherine SAMBA- PANZA (CSP) sera élue par les Conseillers Nationaux de la Transition.

Son avènement à la tête de l’Etat, pour parachever la Transition, est intervenu à l’issue d’une élection au suffrage indirect organisée au sein du Conseil National de la Transition.

Alors Maire de la ville de Bangui depuis six mois, Madame Catherine SAMBA-PANZA, 59 ans, a été élue le lundi 20 janvier 2014 par le Conseil National de Transition à la tête du pouvoir exécutif de la Transition et devient la première femme centrafricaine à accéder au rang de Chef de l'État.

L’élection de Catherine SAMBA-PANZA (CSP)

En mai 2013, lorsqu’elle devient la 37e Maire de la municipalité de Bangui, cela fait près de deux mois que la coalisation SELEKA a renversé le régime du président François BOZIZE. Nommée par le nouveau régime du Président DJOTODJIA, CSP a pris en main une ville à l’arrêt, minée par les pillages et les exactions.

Elle fut parmi les premiers candidats déclarés pour diriger la Transition. Sur les 24 candidatures déposées auprès du CNT (Conseil National de Transition), seules huit avaient été validées. Les parlementaires ont fixé des critères draconiens d'éligibilité excluant tant les responsables politiques sous l'ancien Président Michel DJOTODIA, les chefs de partis, les anciens miliciens et rebelles.

Pour la plupart des centrafricains, élire une femme pour la première fois dans l’histoire de ce pays et d’ailleurs de la sous-région d’Afrique centrale, est un signe d’espoir dans un pays dont la situation socio-politique ne cesse de se dégrader.

Cette femme d’affaires, mère de trois enfants, a devancé Désiré KOLINGBA, après un suffrage à deux tours. Elle a obtenu au deuxième tour 75 voix contre 53 pour le fils de l’ancien président André KOLINGBA (1981-1993). Madame SAMBA-PANZA aura la lourde tâche de combler le vide laissé par la démission contrainte de l’ancien Président DJOTODJIA.

Prenant la parole devant les parlementaires dès son élection, le nouveau Chef de l’Etat a lancé un appel vibrant à renoncer aux armes. "Je lance un appel vibrant à mes enfants Anti-balaka qui m’écoutent. Manifestez votre adhésion à ma nomination en donnant un signal fort de dépôt des armes, […] À mes enfants Ex-séléka qui m’écoutent aussi, déposez vos armes".
Le choix d’une femme, selon certains observateurs, constitue un espoir pour la stabilisation du pays, notamment grâce à sa neutralité politique supposée. Plus connue comme militante des droits des femmes au sein de l’Association des Femmes Juristes de Centrafrique (AFJC), elle fit ses premiers pas en politique en 2003 pour co-présider le dialogue national après le coup d’état du Président François BOZIZE, avant d’être élue à la Présidence du Comité chargé du suivi et de l’évaluation régulière de la mise en œuvre des recommandations issues de ce dialogue.
Qu’est-ce qui a motivé CSP à être candidate à la magistrature suprême de l’Etat, à un moment aussi difficile de l’histoire de la RCA, en proie à l’instabilité et aux conflits armés ?
Nous sommes en janvier 2014 lorsque la crise a atteint son point culminant. Dans ce contexte de crimes et de violences atroces contre les populations civiles innocentes, les femmes centrafricaines ont réalisé que leur pays allait inévitablement vers le chaos. Elles ont alors pris conscience de la nécessité de faire appel à un leader qui soit en mesure de ramener la paix, de rassembler et de réconcilier les centrafricains. 

Les femmes ont surtout compris que seul un leadership féminin pouvait ramener la paix dans les cœurs et les esprits des centrafricains et leur redonner espoir. Elles ont estimé que seule la sagesse d’une femme pouvait ramener les acteurs des violences à la raison. 
Un courant de femmes est donc venu solliciter CSP. Pourquoi elle et pas une autre personnalité ? Sans doute son engagement personnel au sein de la société civile en tant que militante des droits humains, son passage à la Mairie de Bangui où, en tant qu’autorité locale, elle était proche des populations en détresse et sa pleine implication pendant plusieurs années dans les divers processus de médiation, de règlements des conflits et de réconciliation nationale en RCA ont constitué des atouts en sa faveur. Se sentant interpellée, elle s’est résolue à se rendre disponible pour son pays. Son élection a suscité beaucoup d’espoir au sein des populations, notamment des femmes, qui n’aspiraient qu’à vivre en paix. Elle a surtout créé une grande avancée dans l’histoire du continent africain en matière de promotion de la femme dans la gouvernance politique.
CSP est en effet la troisième femme africaine à accéder à la magistrature suprême.

Le secrétaire général de l’ONU Ban KI-MOON a félicité Mme SAMBA-PANZA et a souhaité que cette élection "soit une opportunité de relancer le processus de transition".
 

Les priorités de Catherine SAMBA-PANZA

CSP a hérité d’un pays complètement dévasté par plusieurs années de crise. Des défis sécuritaires, humanitaires, institutionnels, économiques et sociaux se posaient avec acuité. Cette transition particulière sur fond de tensions intercommunautaires entretenues par de nombreux groupes armés s’annonçait difficile.   
L’instabilité politique et les conflits internes répétés depuis deux décennies ont plongé la population centrafricaine dans une situation de pauvreté et vulnérabilité extrême. Depuis décembre 2012, la République Centrafricaine est secouée par une des plus graves crises qu’elle n’a jamais connue. Le peuple centrafricain s’est retrouvé dans une situation dramatique marquée par : 

  • Plus de 2.000 personnes tuées,
  • 12 % de la population déplacés,
  • 8 % de centrafricains réfugiés dans les pays voisins,
  • 2,5 millions de personnes, soit 54% de la population totale ayant besoin d’assistance humanitaire,
  • Plus de 30% des infrastructures scolaires et sanitaires détruites,
  • Environ 28.000 enfants touchés par la malnutrition aiguë sévère,
  • 7.000 enfants enrôlés dans des groupes armés,
  • Plus de 2.000 femmes victimes de viols et violences sexuelles,
  • Un phénomène de rejet communautaire sur des bases d’appartenance religieuse persistantes avec des assassinats traduisant le refus de vivre ensemble,
  • Des poches d’insécurité persistantes dans la capitale et dans toutes les provinces avec des violences sur les populations,
  • Les moyens de fonctionnement de l’administration et les capacités de production du secteur privé anéantis,
  • Une économie détruite avec une croissance négative de -37%.

Il apparaît à travers ces quelques chiffres qu’en janvier 2014, la République Centrafricaine était au bord de l’implosion. Les défis auxquels devaient faire face la transition étaient énormes. 

En dépit de nombreux obstacles qui voulaient s’imposer sur le parcours de CSP, son engagement personnel et sa détermination à tenir le pari de mener à son terme la transition, de manière apaisée, ont été constants.

Organes de Gestion et Feuille de route

Les événements du 24 mars 2013, qui ont vu la prise de pouvoir par la coalition SELEKA, ont entrainé la suspension de la Constitution du 27 décembre 2004 et par voie de conséquence, la dissolution des Institutions Républicaines. 

Pleinement impliquée dans la résolution de la nouvelle crise que traverse la RCA, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) avait recommandé la création d’un CONSEIL NATIONAL DE TRANSITION (CNT) lors du troisième Sommet extraordinaire des Chefs d’Etat et de Gouvernement tenu le 03 avril 2013 à Ndjamena.

 Le 05 juillet 2013 le Conseil National de Transition a adopté la Charte Constitutionnelle de Transition (CCT) ; celle-ci a été promulguée par le Chef de l’Etat le 18 juillet 2013. 

La Charte Constitutionnelle de Transition a donc pour cadre de référence : l’Accord Politique de Libreville du 11 janvier 2013 et les décisions des troisième et quatrième Sommets des Chefs d’Etat et de gouvernement de la CEEAC des 03 et 18 avril 2013. 

Ce fut la Loi Fondamentale de la République Centrafricaine pour la période de la transition.

L’Accord politique de Libreville du 11 janvier 2013 avait décidé en son article 2 de l’institution d’un gouvernement d’Union Nationale inclusif et de la désignation d’un Premier Ministre de consensus issu de l’opposition en la personne de Nicolas TIANGAYE. Le Premier Ministre désigné a été confirmé par le Chef de l’Etat de la Transition.

L’Accord de Libreville avait également précisé en son article 6 que Le Premier Ministre et les ministres du Gouvernement d’Union Nationale ne pouvaient être destitués durant la période de transition ; en contrepartie, ils ne pouvaient être candidats aux prochaines élections présidentielle et législative.

Suite aux événements du 24 mars 2013, il a été décidé par le Sommet de Ndjamena du 18 avril 2013 que le Chef de l’Etat de la transition, le Premier Ministre, les membres du gouvernement, les membres du Bureau du CNT ne pouvaient se présenter aux élections législatives et présidentielle qui seront organisées durant la transition. Ces dispositions ont été reprises par la Charte Constitutionnelle de Transition. Cependant, des remaniements ministériels sont désormais possibles.

L’Accord politique de Libreville avait également arrêté les priorités du gouvernement d'Union Nationale, priorités qui ont été reprises par la « Déclaration de Ndjamena » et par la Charte Constitutionnelle de Transition sous la dénomination de « feuille de route de la transition ».

Le Sommet du 18 avril 2013 a défini dans la « Déclaration de Ndjamena » les grandes lignes de la transition et a notamment décidé de la fixation de la durée de la transition à 18 mois, de la tenue d’élections au cours de cette période, de l’élaboration par le CNT d’une Charte Constitutionnelle de Transition, de la mise en place d’une Cour Constitutionnelle de Transition, chargée de veiller à la constitutionnalité des lois, de connaître du contentieux électoral, de proclamer les résultats définitifs des consultations électorales et de recevoir le serment du président de la République démocratiquement élu.. Le Sommet du 18 avril 2013 a également décidé de revoir à la hausse le nombre des membres du CNT et de l’appellation officielle du Chef de l’Etat de la Transition.

Le CNT, dont la composition passe de 105 initialement à 135 membres selon la Déclaration de N’Djamena, dispose de la plénitude du pouvoir législatif. Il est chargé de préparer le projet de Constitution à soumettre au suffrage populaire.

L’objectif de la transition et de la mise en place d’une Charte constitutionnelle est de parvenir, dans un délai raisonnable, à un retour à l’ordre constitutionnel par l’organisation d’élections libres et transparentes.

Il est également convenu de la création d’un Groupe International de Contact (GIC-RCA), comprenant les organisations régionales et internationales dont la RCA est membre, ainsi que les partenaires bilatéraux et multilatéraux. Ce groupe est chargé de mobiliser les appuis politiques et les ressources financières nécessaires à la réussite de la Transition et d’assurer son accompagnement stratégique.

Consacrant une nouvelle étape dans la Transition, le premier gouvernement mis en place par Catherine SAMBA-PANZA fut dirigé par le Premier Ministre André NZAPAYEKE, nommé le 25 janvier 2014.

Le Forum de Brazzaville, organisé du 21 au 23 juillet 2014, ayant débouché sur la signature d’un accord de cessation des hostilités et un consensus pour la mise en place d’un gouvernement de large ouverture, la Chef de l’Etat de la Transition a nommé le 10 août 2014, Monsieur Mahamat KAMOUN, Premier Ministre, Chef du Gouvernement de Transition et mis en place le deuxième Gouvernement de Transition le 24 août 2014.

Il fallait chercher à impliquer tous les antagonistes de la crise dans la gestion de la Transition. C’est pourquoi, dans le cadre de l’ouverture et de la gestion inclusive de la transition, la plupart des responsables présents ont été maintenus dans leur fonction et qu’un gouvernement de large ouverture représentatif de toutes les forces vives et des régions a été constitué.

A la suite de Maître Nicolas TIANGAYE et d’André NZAPAYEKE qui ont chacun essayé de donner le meilleur de lui-même dans un contexte difficile, complexe et redoutable, le Premier Ministre Mahamat KAMOUN s’est engagé à poursuivre l’exécution de la Feuille de route déjà adoptée mais réaménagée pour tenir compte de l’évolution de la situation sociopolitique et sécuritaire.

Ainsi, les nouvelles priorités de la Feuille de route s’articulaient autour des Piliers suivants : la politique et la gouvernance, la restauration de la sécurité et la consolidation de la paix, la relance économique ainsi que l’assistance humanitaire.

Cette démarche s’est faite en intégrant une nouvelle dimension dans l’approche du Gouvernement qui est la mise en œuvre du Programme d’Urgence et de Relèvement Durable qui découle de la Feuille de Route.

Ce Programme, prévu pour être mis en œuvre dans la période 2014 – 2016, était une réponse du Gouvernement aux multiples difficultés dans lesquelles vivent les populations et constituait un cadre de référence, un instrument complet de dialogue et de concertation avec les partenaires techniques et financiers en vue de mobiliser les financements nécessaires pour les grandes actions de relèvement post crise.

Défis sécuritaires et gestion des crises pendant la transition

Plusieurs défis s’imposaient à la Transition :

  • Défi sécuritaire, avec le rétablissement de la sécurité sur tout le territoire ;
  • Défi humanitaire, avec le retour des déplacés tant sur les provinces qu’à Bangui ;
  • Défi économique et financier, avec la relance économique et le retour des investisseurs ;
  • Défi social, en limitant les conséquences négatives de la crise sur les populations ;
  • Défi diplomatique, par la restauration des bonnes relations avec les partenaires et les bailleurs de fonds ;
  • Défi politique et institutionnel, par la préparation des élections libres et transparentes dans un contexte apaisé.

Compte tenu de la nature et de l’ampleur des défis à relever, les autorités de la transition avaient opté pour une approche globale et inclusive associant le retour de la sécurité, l’aide humanitaire, la stabilisation, le renforcement de l’Etat et la relance du développement. Il fallait tenir compte du contexte du pays, notamment de la coexistence sur le terrain des situations d’urgence et apporter, en collaboration avec les acteurs nationaux et internationaux, des réponses rapides et cohérentes à la crise. Le premier problème qui s’est posé à la Transition avec acuité était le défi sécuritaire. La situation sécuritaire en RCA demeurait extrêmement fragile et préoccupante. Les menaces sécuritaires venaient de toute part. Dans ce contexte, comment répondre aux besoins de sécurité des populations ? Les enjeux étaient énormes et les défis particulièrement complexes.

Les actions subversives des groupes armés et des milices, les attaques et autres actes de violence contre les populations civiles, la criminalité et le banditisme contre les acteurs humanitaires, l’arsenal militaire encore intact des ex-SELEKA et leurs positionnements militaires dans certaines zones du pays, notamment sur les sites miniers, étaient des sujets de préoccupations. Sans compter la prolifération des armes sur l’ensemble du territoire, la difficulté de désarmer simultanément les divers groupes armés et le risque réel de Partition du pays, avec des musulmans cantonnés dans le Nord et l’Est du Pays.

S’agissant des groupes armés, avec qui discuter et échanger concrètement pour avoir des résultats palpables dans la baisse des actions criminelles ? Quels étaient les véritables interlocuteurs politiques et militaires ?

C’est pourquoi, la vision des autorités était que la restauration de la sécurité et la consolidation de la paix étaient des exigences immédiates pour assurer la solidité des institutions et la cohésion sociale et des préalables indispensables à toute action durable de sortie de crise.

Mais la faiblesse structurelle des forces de défense et de sécurité, sans véritable chaine de commandement et sous embargo des armes, ne leur permettait pas de restaurer la sécurité sur tout le territoire centrafricain. La séquence de lynchage d’un militaire musulman le jour du grand rassemblement avec les éléments des FACA, 15 jours après l’entrée en fonction de Catherine SAMBA-PANZA, a conforté la communauté internationale dans les mesures prises par le Conseil de Sécurité.

Sur un autre plan, les services d’informations, de renseignements et de surveillance du territoire national avaient démontré leurs limites. Les Notes de Synthèses, les Fiches, les Bulletins de Renseignement des services chargés de la sécurité ressemblaient davantage à des opérations de guerres psychologiques, d’intoxications et de mystification. Il y était souvent questions de faits divers et non d’analyse sécuritaire. Entre la rumeur, l’information et le renseignement, le niveau de fiabilité était difficile à établir.

Il fallait très rapidement disposer de services capables de la fourniture d’informations fiables et de l’interprétation des renseignements. Il a donc fallu restructurer les services de documentation.

En dépit de l’existence d’un Comité National de Sécurité, il a fallu mettre en place à la Présidence de la République, un Comité Sécurité qui examinait quotidiennement la situation sécuritaire à Bangui et à l’intérieur du pays, les stratégies et actions de stabilisation sécuritaire, la situation des groupes armés, des déplacés internes et des communautés à risques.

Un Comité de Coordination Technique Misca/Sangaris/Eufor et Gouvernement centrafricain a également été créé. Les Procès-verbaux des réunions hebdomadaires dudit Comité étaient systématiquement transmis en temps réel au gouvernement et au Chef de l’Etat.

Consciente de la complexité de la situation créée par des mouvements politico-militaires antagonistes, des efforts ont été déployés pour faciliter en priorité le retour à la normalité de la ville de Bangui grâce à l‘appui des troupes africaines de la MISCA, européenne de l’Eufor, Française de la Sangaris et la Minusca des Nations Unies.

Les actions menées pour atteindre ces objectifs se présentent comme suit :

  • Le regroupement des ex Seleka dans trois camps militaires différents de la ville de Bangui. Un mémorandum a été signé entre le Gouvernement et les ex Seleka cantonnés dans ces camps pour un cessez le Feu. Leur identification a conduit à un processus de relocalisation vers leurs régions d’origine, en attendant le processus du DDR.
  • La constitution de brigades conjointes de gendarmerie et de police qui patrouillent dans Bangui en liaison avec la MISCA et SANGARIS, grâce aux mesures de confiance négociées avec la Communauté Internationale. Leur déploiement progressif dans les zones névralgiques a été programmé avec le soutien de la SANGARIS. A cet égard, la réhabilitation urgente des brigades de gendarmerie et des commissariats de police totalement pillés a été obtenue et financée par le Département de Consolidation de la paix des Nations Unies.
  • Le regroupement et l’identification des Forces Armées Centrafricaines dans des camps. Dans la perspective de la réforme des Forces Armées Centrafricaines, des réflexions ont été menées avec la communauté internationale sur le futur format de l’armée qui doit être véritablement républicaine et professionnelle.
  • La mise en place d’une mission de l’Union Européenne (EUMAM RCA) pour fournir au gouvernement des conseils d’experts et procéder à une évaluation des forces de défense et de sécurité centrafricaine pour les intégrer au processus de réflexion du rétablissement de la sécurité sur l’intégralité du territoire.

Il convient également de souligner l’obtention du vote du Parlement Français en faveur de la prolongation de la mission Sangaris, le déploiement rapide de la force européenne EUFOR en RCA, l’adoption de la résolution 2149 autorisant une opération de maintien de la paix des Nations-Unies en Centrafrique (MINUSCA).

Grace à toutes ces actions, la situation sécuritaire s’est nettement améliorée dans la ville de Bangui. Les tirs nocturnes avaient presque cessé.

Les groupes armés qui opéraient à Bangui se sont retirés pour s’installer en province. Mais on a observé dans le même temps à Bangui l’augmentation du phénomène de grands banditismes. Avec le soutien de l’EUFOR et des gendarmes de la SANGARIS, les forces de sécurité nationale ont vigoureusement combattu ce phénomène.

Mais ce dispositif n’était pas suffisant pour assurer la sécurité des populations. La sécurité nécessitait le désarmement des groupes armés qui développaient une véritable guérilla urbaine et qui contrôlaient le centre et le nord- est du pays, commettaient des exactions et manifestaient des velléités sécessionnistes.

A cet effet, les autorités de la transition n’ont pas cessé d’exhorter la MISCA et la SANGARIS, puis la MINUSCA à faire pleinement usage des différents mandats du Conseil de Sécurité des Nations- Unies autorisant le recours à des sanctions contre ceux qui menacent la paix, la stabilité et la sécurité en RCA et à appliquer les sanctions prises par l’ONU à l’égard de certains acteurs de la crise Centrafricaine. 

La situation sécuritaire dans son ensemble commençait à connaître une certaine amélioration, grâce à l’action conjuguée des Forces de sécurité intérieure et des Forces internationales dans la lutte contre les actes de criminalité et le banditisme dans le pays et l’implication progressive des habitants de la capitale dans la sécurisation de leurs quartiers. 

Sur la base de ces avancées, les autorités de la Transition pensaient tenir le délai de la Transition fixé par la décision des Chefs d’Etat de la CEEAC quand sont intervenus les troubles du mois de septembre 2014 à Bangui dont l’objectif inavoué était la déstabilisation des institutions de la Transition et du coup sonner le glas du processus électoral. Fort heureusement ces plans ont été déjoués par le soutien de la population qui s’en est désolidarisée. Les démissions au sein de l’ANE ont failli avoir raison du processus si les Autorités de la Transition n’étaient pas intervenues vigoureusement pour les juguler et en amoindrir l’impact sur le fonctionnement de l’ANE et le déroulement des activités électorales.

Des campagnes d’intimidation et de terreur étaient déclenchées par des groupuscules aussi bien dans certains quartiers de Bangui que dans certaines villes de province.

Des partis politiques et des groupes armés ont commencé à réclamer la démission du Chef de l’Etat et la mise en place d’une 3ème Transition d’une durée de 18 mois.

Le mouvement citoyen de septembre 2015, ayant conduit aux pillages de nombreux locaux

d’ONG nationales et internationales, a ressemblé davantage à une tentative de déstabilisation.

Sur la réforme du secteur de la sécurité, les autorités de la transition ont décidé d’organiser une discussion politique avec l’ensemble des acteurs nationaux en vue d’aboutir à un consensus et à une compréhension commune des priorités de sécurité nationale et des réformes à entreprendre dans le secteur de la défense et de la sécurité. Ils ont à cet égard, relevé que ces réformes devraient constituer la priorité du Gouvernement qui sera issu des prochaines élections et ont insisté sur la nécessité de poursuivre les efforts de réorganisation des FACA, en vue de leur déploiement progressif, selon des normes convenues, en étroite coordination avec la MINUSCA et les autres partenaires concernés.  Ils ont par ailleurs indiqué que la sortie de crise devait se faire obligatoirement par l’implication de toutes les parties en présence, dont notamment les auteurs intellectuels qui instrumentalisent dans l’ombre la violence renouvelée pour en tirer des bénéfices politiques.

En effet, pour réussir à stabiliser et pacifier le pays, il est impérieux de repenser le programme de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) et la réforme du secteur de la sécurité (RSS) avec des approches innovantes adaptées aux réalités centrafricaines.  Il est nécessaire de poursuivre la réflexion sur toutes les possibilités d’adapter le DDRR aux réalités du terrain, en tenant compte des contraintes financières et autres auxquelles doit faire face le pays.

Sur la base des conclusions du Forum de Bangui, une campagne de sensibilisation pour des activités pré-DDR, a été entreprise dans l’attente des financements nécessaires à la mise en œuvre du programme DDRR proprement dit dont le montant s’élève à 28.5 millions de dollars et 20 millions de dollars pour le programme complémentaire de réduction de la violence communautaire (CVR).  Ceci dans le but de créer les conditions favorables à la mise en œuvre du programme DDRR et contribuer au rétablissement de la sécurité pour la tenue des élections dans un climat apaisé. La mobilisation par la MINUSCA de 10 millions de dollars ont permis de lancer les activités pré-DDRR à Bangui et à l’intérieur du pays, à travers le regroupement, le désarmement, l’identification et la sensibilisation des combattants des différents groupes armés signataires de l’Accord de paix.

Des Travaux à Haute Intensité de Main-d’œuvre (THIMO) et générateurs de revenus ont été lancés à l’intention des jeunes à risques dans les communautés touchées par le conflit. Un autre défi restait la possible intégration de certains ex-combattants des groupes armés signataires de l’accord DDRR dans les corps en uniforme, selon les capacités d’absorption des forces nationales de sécurité devant être reformées, et selon des critères strictes de professionnalisme et d’éthiques conformément aux résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies, aux communiques pertinents du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine et des conclusions des réunions du Groupe international de contact (GIC)-RCA.

Dialogue Politique et Réconciliation Nationale

La vision de CSP était que la gestion de la transition devait être abordée sous l’angle du dialogue et de la concertation permanente, à travers la mobilisation de l’ensemble des acteurs nationaux du pays. Sous son impulsion, l’ensemble des forces vives de la Nation se sont mobilisées dans divers Fora de Réconciliation Nationale et les aspirations profondes des communautés à la base ont été prises en compte. Tirant les leçons de ces diverses initiatives, le Gouvernement de Transition a défini une vision volontariste de la réconciliation nationale axée sur trois piliers : le dialogue politique au sommet, la justice au milieu et la réconciliation nationale à la base. Ce processus devait impliquer les différentes composantes sociales, à savoir : groupes armés, partis politiques, leaders religieux, autorités locales, société civile, organisations des femmes et des jeunes.

En effet, pour instaurer la paix civile et la démocratie centrafricaine sur des bases solides, il était indispensable de s’engager dans un dialogue politique avec l’ensemble des forces vives de la Nation.

L’objectif de ce dialogue était d’aboutir :

  1. à la proclamation de la cessation des hostilités ;
  2. au désarmement des groupes armés ;
  3. à la réflexion sur l’avenir des Forces armées Centrafricaines (FACA)
  4. à l’adoption d’un consensus sur la gouvernance.

Dans cet esprit, le Forum inter centrafricain de Brazzaville, l’organisation des consultations locales à travers le pays, ont débouché sur la tenue du Forum de Bangui sur la réconciliation nationale en mai 2015.

Forum de Brazzaville

La Communauté internationale a appelé de tous ses vœux à des pourparlers inter-centrafricains, notamment avec les groupes armés belligérants.

Ainsi, les autorités de la transition ont marqué leur accord sur les recommandations du sommet de MALABO du 26 juin 2014, confirmées par les conclusions de la réunion du Groupe Internationale de Contact sur la RCA (GIC RCA) pour l’organisation d’un forum devant aboutir à un accord de cessation d’hostilité entre les groupes armés et au désarmement.

Le Forum de Brazzaville était la première étape du processus de dialogue inclusif et de réconciliation entre les centrafricains. L’implication des Autorités de la Transition dans les préparatifs de ce forum et l’appropriation du processus par la partie centrafricaine devaient être totales afin d’éviter les erreurs du passé.

Sur invitation de Son Excellence Monsieur Denis SASSOU N’GUESSO, Président de la République du Congo, Médiateur International sur la crise en République Centrafricaine, un Forum s’est tenu à Brazzaville, République du Congo, du lundi 21 au mercredi 23 juillet 2014. L’objectif était d’obtenir une cessation des hostilités en Centrafrique, prélude à un nouveau processus de dialogue politique et de réconciliation nationale.

Malgré la réticence d’une partie de la classe politique et de la société civile, le forum de Brazzaville a bien eu lieu, pour le grand bonheur des populations centrafricaines éprises de paix.

Les forces vives de la nation centrafricaine, à travers un dialogue franc et sincère, ont dépassé leurs clivages pour poser des actes d’importance capitale. Il s’agit de la signature des accords de cessation des hostilités et des violences et de la souscription d’une déclaration d’engagement des parties au processus politique inclusif sur la crise Centrafricaine.

Cet accord a été signé non seulement par les parties belligérantes de la crise Centrafricaine, par les Forces Vives de la Nation présentes et par les Autorités de la Transition mais il a été aussi cosigné par la Médiation Internationale et notamment par le Président Denis SASSOU NGUESSO qui a tenu à s’engager personnellement aux côtés de ses frères Centrafricains.

L’objectif poursuivi à travers la signature de cet accord était justement de lier les Centrafricains entre eux, sous l’égide de la Médiation Internationale, afin qu’ils renoncent aux hostilités et aux violences destructrices pour s’engager résolument sur la voie de la recherche de la paix et partant de la reconstruction de leur pays.

Un comité de suivi de l’application de l’accord incluant toutes les parties prenantes au forum de Brazzaville, y compris les représentants de la communauté internationale a été mis en place. Il a pour mission de surveiller, contrôler et évaluer périodiquement la mise en œuvre effective de l’accord sur le terrain. Ce comité devrait travailler étroitement avec des organes dans l’arrière-pays qui seront aussi mis en place.

A côté de ce comité de suivi, un comité de vulgarisation des termes de l’accord de Brazzaville devait être mis en place pour travailler à la plus large appropriation du document par les couches de la population

Ce forum de réconciliation nationale et dialogue politique inter- centrafricain de Brazzaville a marqué un tournant décisif dans le processus du retour de la paix et la stabilité en République centrafricaine

Les consultations populaires

Après le Forum de Brazzaville au Congo, les Autorités de la transition ont décidé de la mise en œuvre de la phase II du processus politique par l’organisation des Consultations Populaires à la base. Etape majeure du processus de paix, les Consultations populaires à la base organisées sur l’ensemble du territoire national et dans les pays ayant accueilli des réfugiés Centrafricains (Cameroun, Congo-Brazzaville, Congo Démocratique et Tchad) voulaient apporter une innovation en termes d’appropriation citoyenne du dialogue national par la mise en œuvre d’un processus partant de la base vers le sommet contrairement aux approches précédentes des rencontres inter-centrafricaines souvent conçues dans une dynamique directive.

En effet, les populations rencontrées par les équipes de facilitateurs étaient appelées à se prononcer sur toutes les problématiques et les questions nationales qui leur tenaient à cœur particulièrement les quatre thèmes piliers en réponse aux conflits vécus à savoir : Vérité, Justice, Réparation et Réconciliation. Cette démarche de démocratie participative, de la base vers le sommet, répond au besoin d’impulser un changement qualitatif et durable aux plans politiques, sécuritaires et socioéconomiques en RCA. Elle a aussi constitué un préalable pour le Forum national de Bangui et le premier pas dans la préparation des esprits au retour à l’ordre constitutionnel par la tenue d’élections libres, justes, transparentes et crédibles.

Des ateliers de restitution des consultations populaires ont été organisés, avec les objectifs   suivants :

1. Mettre en commun, analyser et compiler les données recueillies auprès des populations ;
2. Partager les expériences de terrain vécues par les équipes de facilitateurs sur l’ensemble du territoire national et dans les camps des réfugiés centrafricains des Etats voisins ;
3. Recenser les attentes, préoccupations et recommandations des populations consultées ;
4. Produire un rapport consolidé en prélude au Forum national de Bangui.

Les grands résultats des consultations populaires étaient les écoutes et dires des populations centrafricaines, une analyse en profondeur des caractéristiques et causes des crises que le pays a connues depuis plus cinquante-cinq années d’indépendance. Ces caractéristiques s’affichent de manière traversable dans toutes les régions consultées.

Les consultations populaires à la base ont été des occasions citoyennes pour diagnostiquer les modèles de gouvernements à partir desquels le pays a été géré. Pour les populations consultées à l’échelle du territoire national, les dynamiques de gouvernance politique passées et actuelles de la société centrafricaine sont porteuses de nombreuses barrières, caractérisés par une certaine opacité et une mauvaise gouvernance.

Les consultations populaires à la base ont instauré un dialogue citoyen. Elles ont permis aux gouvernés d’exprimer leurs préoccupations et aspirations vers la réalisation d’un environnement social démocratiquement apaisé. 

Forum national de Bangui

La tenue à Bangui, du 4 au 11 mai 2015, du Forum National de Bangui, dans le cadre de la Phase III du processus politique engagé à Brazzaville, a représenté une étape importante de la poursuite de la cohésion nationale,  autour d’une série d’objectifs et de résultats,  pour parvenir à stabiliser la situation  en RCA.

Il a rassemblé près de 700 participants représentant toutes les forces vives de la Nation (Autorités et Institutions  de la transition, partis politiques, groupes armés, société civile, organisations religieuses, Chefs traditionnels, groupes de jeunes et de femmes), y compris les représentants des populations venus nombreux des 16 préfectures du pays, de la diaspora et des réfugiés pour discuter des divers aspects du programme de consolidation de la paix dans le pays, et pour définir une vision et des aspirations communes pour assurer l’avenir de leur pays.

Les résultats les plus marquants de ce Forum ont été la signature, le 10 mai 2015 du Pacte républicain pour la paix, la réconciliation nationale et la reconstruction en République centrafricaine, l'Accord sur les principes du DDRR et d’Intégration dans les corps en uniforme de l'Etat Centrafricain entre le gouvernement de transition et les Groupes armés et l’Accord des groupes politico-militaires participant au Forum de Bangui pour mettre fin au recrutement et à l’utilisation des enfants, ainsi qu’aux autres violations graves des droits de l’enfant.

Lors du Forum de Bangui, une analyse des crises persistantes en RCA a mis en évidence de nombreuses causes profondes qui restent intimement liées au déficit de gouvernance, à l’extrême pauvreté ainsi qu’à une perte des valeurs éthiques, morales, sociales et culturelles. Par ailleurs, il a été relevé que la RCA, située au cœur du continent africain, est cernée par des pays frontaliers qui ont connu des conflits au cours de ces dix dernières années. Ces conflits récurrents à ses frontières ont engendré le phénomène de circulation d’armes légères et de petit calibre qui alimentent le grand banditisme et l’insécurité.

D’autre part, malgré son potentiel naturel très important, la RCA enregistre des niveaux d’indicateurs socioéconomiques très critiques. En effet, plus de 80 % de la population vit aujourd’hui avec moins de deux dollars par jour et l’Indice de Développement Humain (IDH) s’est considérablement détérioré, plaçant la RCA parmi les cinq derniers pays à l’échelle mondiale, soit au 172ème rang sur 177 pays.

Ces indicateurs expriment à suffisance l’étendue des défis en matière de sécurité, de bonne gouvernance, de cohésion sociale et concorde nationale, de restauration de l’autorité de l’Etat et de relance de l’économie et du processus de développement.

Les participants au Forum de Bangui ont également relevé que diverses initiatives de concertation nationale (séminaires, grand débats, dialogue national, dialogue politique inclusif) ont été organisées en RCA et à l’extérieur pour la résolution des différentes crises sociales et politiques que le pays ne cesse de connaitre. Malheureusement, les leçons apprises ont laissé un gout tristement amer dans l’esprit et dans les cœurs des centrafricains. Les accords inter-centrafricains issus des initiatives nationales, sous régionales et onusiennes sont le plus souvent battus en brèche dès le lendemain des signatures par les parties prenantes. Elles n’ont pas permis de mettre une fin durable au désordre politique qui semble s’éterniser.

Les dommages et pertes occasionnés n’ont jamais été réparés laissant des plaies béantes aux implications socio-psychologiques insupportables dans les cœurs entretenant de manière manifeste ou latente le goût de la vengeance dans le pays. L’impunité a tué la confiance entre les centrafricains. Le peuple est envahi par l’esprit de vengeance et ne se reconnaît plus dans les appels des dirigeants ne jouissant plus de charisme mais l‘appelant à l’apaisement. Le changement tant souhaité par le citoyen à travers les dialogues organisés n’est que l’illusion. 

La volonté d’une dynamique de la participation communautaire, sur la base des résiliences profondes, autour d’un leadership de proximité innovant a été recommandée à travers la perspective de la décentralisation et régionalisation comme modèle de gouvernance fortement réclamée. Au plan de la géopolitique sous régional et international, les questions complexes liées la révision des accords de coopération avec la France, la gestion rigoureuse des fonds du programme de désarmement, de démobilisation et de reconversion des ex combattants, la reconstruction et le développement post-conflit de la RCA, l’organisation des échéances électorales dans un cadre apaisé, équitable et transparent interpellent les centrafricains dans leurs rapports avec les puissances étrangères et onusiennes venues à son assistance.

En échangeant avec les autres sur les grands piliers de la renaissance de la société centrafricaine, Paix et sécurité, Réconciliation, Gouvernance, Relèvement économique, les consultations populaires et le Forum de Bangui ont dégagé un certain nombre de recommandations fortes sous forme d’options stratégiques susceptibles de neutraliser les menaces à la continuité historique de l’Etat et de la Nation centrafricaine.

Il s’agit d’un chantier immense et complexe dont la mise en œuvre exige des sensibilités politiques et sociales engagées à jeter les bases d’un véritable du changement politique durable en faisant du retour inconditionnel de la paix et de la transparence en République Centrafricaine une obligation. Un tel travail exige que la classe politique, la société civile et les partenaires au développement s’attaquent froidement et objectivement, sans hypocrisie, aux racines de la longue crise qui s’est étirée d’un régime à l’autre, pour assurer dans la durée la transformation intelligente des esprits et des cœurs.

Le retour de l'autorité de l'Etat et le désarmement sur toute l'étendue du territoire demeurent un impératif à l’instauration d’une gouvernance politique nationale et géopolitique. Pour un retour soutenu de la légitimité de l’Etat et le redéploiement des institutions politico administratives, la mobilisation citoyenne doit être sollicitée. A cet égard, l’information, la sensibilisation, la mobilisation sociale à travers la communication sociale et le plaidoyer sont les meilleures approches et stratégies susceptibles de garantir un accompagnement citoyen sûr.

Le processus de désarmement et le programme DDR doivent s’inscrire dans le cadre d’un accompagnement communautaire et national orienté vers la reconstruction d’une nouvelle société centrafricaine unie et prospère. Dans cette perspective, une large place doit être faite aux autorités de proximité (chefs de quartier, notables, autorités traditionnelles etc.), à la société civile (institutions ou organisations non gouvernementales non inféodés au pouvoir) et aux initiatives de l’Etat.

Le souci de la bonne gouvernance et de l’Etat de droit dans la prospective du bien-être des centrafricains a été exprimée par les populations consultées. Il s’agit donc d’une vaste opération de changement et de refondation à laquelle le Forum national de Bangui a dû en tenir compte.

La visite du Pape François à Bangui

C’est en novembre 2015 que le pape François a effectué sa première visite sur le continent africain, où près de 200 millions de personnes sont catholiques.

En dépit de l’avis contraire et des réserves des spécialistes de la sécurité, le Pape a choisi de venir en République centrafricaine, en deuxième étape d’un périple africain entamé à Nairobi au Kenya puis à Kampala en Ouganda.

 Tout le pays était rempli d’allégresse dans la perspective de cette visite et fier du choix que le Pape François a fait de visiter la Centrafrique. Le pays tout entier était mobilisé pour l’accueillir et recevoir sa bénédiction. Les comités d’organisation ecclésiale et gouvernementale ont travaillé en synergie tous les jours. Pendant plusieurs semaines, artisans, artistes, fonctionnaires, jeunes, femmes, personne du troisième âge, catholiques, protestants, musulmans, les pratiquants de toutes religions ont travaillé avec cœur et abnégation pour la réussite de cette visite.

Sur le plan sécuritaire, les forces internationales et intérieures alliées ont travaillé main dans la main, pour qu’aucun nuage ne puisse assombrir cette visite.

Un immense espoir s’était soudainement emparé du pays qui espérait et avait la ferme conviction que la visite du pape et les messages qu’il délivrera amèneront les centrafricains à faire le choix de la paix, de la réconciliation et du progrès.

C'est donc sans surprise que 18 organisations non gouvernementales ont signé une lettre ouverte pour inviter le pape à calmer le jeu lors de sa visite au Centrafrique. Elles exhortaient ainsi le successeur de Saint-Pierre à se servir de son influence pour faciliter la transition vers une accalmie. Même son de cloche chez les leaders religieux du pays qui voient dans la visite du Saint-Père une occasion de faire avancer la paix.

La visite qui s’est déroulée du 29 au 30 novembre 2015 a été vécue par les centrafricains comme un évènement unificateur, œcuménique, refondateur et porteur d’espoir. 

Le Pape est arrivé en RCA à un moment crucial, à un moment où le pays portait encore les stigmates des violences intercommunautaires sans précédent dans l’histoire du pays et au moment où tous les centrafricains se préparaient aux rendez-vous électoraux à venir.

Ses deux jours de déplacement à Bangui, placés sous la surveillance de la force onusienne (MINUSCA), auront suscité la ferveur des Centrafricains. Ferveur et espoir dans une paix et une réconciliation que le Pape a prêchées à chaque étape de sa visite.

Pendant les deux jours de cette visite papale, trois mots auront été martelés dans les discours : Paix, Pardon et Réconciliation. Des paroles associées à des actes, comme la visite du Pape à la mosquée centrale au PK5, lieu symbolique puisque c’est le dernier quartier de Bangui où vivent beaucoup de musulmans. La Communauté musulmane a mis aussi beaucoup d’espoir dans cette visite car elle espérait que les messages du Pape vont toucher les cœurs endurcis des centrafricains afin que les uns et les autres se tendent à nouveau la main dans un élan d’amour du prochain pour que le vivre ensemble communautaire soit de nouveau possible.

Le souverain pontife s’est entretenu avec l’Imam de la mosquée : « Chrétiens et musulmans sont frères », a déclaré le Pape.

Après avoir visité le site des déplacés internes du Centre Jean XXIII, la Faculté de Théologie Evangélique de Bangui(FATEB), puis le Complexe pédiatrique de Bangui, l’autre symbole fort de cette visite aura été l’ouverture de la Porte-Sainte de la Cathédrale de l’Immaculée Conception de Bangui, geste qui marque l’ouverture solennelle du « Jubilé de la Divine Miséricorde. Dans l’histoire de l’Eglise catholique, jamais la Porte Sainte n’est ouverte hors du Vatican. La RCA entre ainsi dans l’histoire de l’humanité et du monde chrétien comme le tout premier Etat à partir duquel un Souverain Pontife a pu pousser la Porte Sainte. A la faveur de cette dérogation doctrinale spéciale, le Pape François a élevé Bangui à la dignité de « Capitale Spirituelle du monde ».

Par ce geste, le pape a souhaité ouvrir en Centrafrique une période de pardon. « La paix sans pardon n’est pas possible », il a d’ailleurs expliqué aux 4 000 déplacés de la paroisse Saint-Sauveur de Bangui où il s’est rendu.

La Bénédiction, les messages de paix et de solidarité du Pape ont été un stimulant pour la cohésion sociale et un retour réel de la paix dans notre pays. Ses messages ont été un déclic en chaque centrafricain pour apaiser leur cœur.

La RCA a été marquée par cette visite qui a contribué à encourager la réconciliation nationale et la cohésion sociale.

Cette visite du Pape François a définitivement marqué l’ouverture d’une époque nouvelle vers des cieux plus cléments pour la Centrafrique. Le passage du Pape François restera dans les mémoires.

L’organisation des élections

L’objectif principal de la transition était de garantir un retour à l’ordre constitutionnel par la tenue du referendum constitutionnel et des élections législatives et présidentielle initialement prévues le 15 février 2015.   

La mise en place des institutions et des autorités légitimes était en effet   une étape importante et cruciale dans le processus de sortie de crise. La volonté des autorités de la transition d’aller résolument à l’organisation des élections crédibles était manifeste, même si elle a buté sur de nombreuses contraintes notamment sécuritaires, juridiques, techniques et financières. Elles avaient le devoir d’organiser des élections auxquelles elles ne pouvaient être candidate, dans un minimum de conditions de sécurité, de paix et de transparence pour que leurs résultats soient incontestables et permettent un retour apaisé à l’ordre constitutionnel.

Les principaux facteurs ayant réellement contribué à la gestion sans heurts majeurs de ce processus ont donc été, outre la bonne interaction entre les Institutions de la Transition sous l’impulsion du Chef de l’Etat de la Transition, la recherche constante du consensus à travers un dialogue permanent et des réunions périodiques de concertation au plus haut sommet de l’Etat, y compris également avec la Communauté internationale, mais par-dessus tout le  respect de la Feuille de Route et de la Charte Constitutionnelle de Transition, notamment sur la question de l’inéligibilité des acteurs politiques ayant géré la Transition.

Ce processus n’aurait pu être mené à son terme sans l’aide financière et technique de la communauté internationale et sans un appui politique et militaire de la CEEAC qui a exprimé, de manière constante, sa détermination à accompagner les autorités et le peuple centrafricain, en vue de mener à son terme la transition politique en cours et permettre de restaurer l’ordre constitutionnel.  

Cet accompagnement s’est manifesté notamment par l’acceptation du principe de la prorogation de la Transition, une première fois par le Médiateur dans la crise centrafricaine, justifiée par le fait que l’ampleur des opérations contenues de la Feuille de route, confrontées à l’insécurité persistante, ne pourront pas être exécutées dans les délais, d’où la nécessité d’une prolongation de 6 mois, soit de mars à août 2015 ; puis à deux reprises par la CEEAC, en vue de garantir une bonne tenue d’élections crédibles mais avant la fin de l’année 2015, conformément aux recommandations du Forum de Bangui et aux dispositions des articles 102 et 104 de la Charte Constitutionnelle de Transition.

Le Forum National de Bangui avait en effet recommandé une prolongation de la Transition en vue d’une meilleure organisation des élections. Le sommet des Chefs d’Etat de la CEEAC de mai 2015 à Ndjamena a accédé à la demande de cette prolongation jusqu’au 30 décembre 2015.

Sur la base de cette décision, les Autorités de la Transition ont résolument mis le cap sur l’organisation des élections à partir du mois de juin 2015 en décidant d’appuyer l’Autorité Nationale des Elections (ANE) à travers le Cadre Stratégique des Elections piloté par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement et regroupant l’Autorité Nationale des Elections (ANE), le Conseil National de Transition, la Cour Constitutionnelle de Transition et la communauté internationale.  

Un Centre Conjoint de Coordination des Opérations des élections a aussi été créé pour appuyer l’Autorité Nationale des Elections, élaborer et mettre en œuvre un plan de sécurisation des opérations électorales.

Grâce à cet appui du gouvernement, l’ANE a enregistré de grandes avancées dans le processus électoral qui accusait auparavant d’importants retards.

Sur la base de ces avancées, un nouveau chronogramme des élections a été publié par l’ANE afin de tenir le délai fixé par la décision des Chefs d’Etat de la CEEAC.

La situation sécuritaire dans son ensemble connaissant une nette amélioration, avec l’action conjuguée des Forces de sécurité intérieure et des Forces internationales, MINUSCA et Sangaris, les autorités de la Transition ont saisi l’opportunité de ce contexte sécuritaire et politique favorables pour organiser les élections.

Malgré de nombreux impondérables, le cap sur les élections a été maintenu avec cependant la difficulté d’organiser techniquement tous les trois scrutins prévus dans le respect des délais légaux de la loi électorale avant la date du 30 Décembre 2015.

Les Autorités de la Transition ont dû s’accommoder d’un glissement technique inévitable du calendrier électoral jusqu’au mois de mars 2016 proposé par l’ANE, dans le respect scrupuleux du Code Electoral afin de prévenir toute crise postélectorale, après accord du Cadre de Concertation qui regroupe toutes les composantes des Forces Vives de la Nation.

Ce glissement technique induisait par ricochet une autre prolongation technique de la transition, soutenu et validé par les Chefs d’Etat de la CEEAC, conformément aux dispositions de la charte constitutionnelle de Transition.

Durant tout le processus, le Chef de l’Etat de la Transition a été attentive au respect par la classe politique centrafricaine et les autorités de la transition de la clause d’inéligibilité contenue dans la Charte de Transition et celle des acteurs politiques frappés par les sanctions prises par le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA et/ou par le Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi que du Code de Bonne conduite signé par les candidats la veille des élections.

Pour de nombreux observateurs de la scène politique centrafricaine, il semblait quasi irréaliste ou aventureux de maintenir les élections aux échéances prévues et qu’un choix audacieux devrait être fait pour reporter d'un an à deux ans les élections voire envisager une troisième Transition ! 

Malgré les disfonctionnements liés à des erreurs matérielles et à des problèmes d’ordres organisationnels, il y a eu une forte mobilisation du peuple centrafricain. Ainsi les 13 et 30 décembre 2015 d’abord et le 14 Février 2016 ensuite, le peuple centrafricain a résolument opté pour la démocratie et un nouvel ordre constitutionnel à travers le vote d’une Constitution, l’élection d’un nouveau Chef de l’Etat et des députés de la Nation.

Le bon déroulement des scrutins présidentiels et législatifs du 14 février 2016, dans le calme sur l’ensemble du territoire, a témoigné de l’attachement du peuple Centrafricain aux valeurs démocratiques et républicaines et sa détermination pour le retour à la Légalité Constitutionnelle.

L’un des éléments clés du déroulement apaisé de ces scrutins était la neutralité observée tout le long du processus par les Autorités de la transition et le respect des dispositions de la Charte Constitutionnelle interdisant aux acteurs de la transition de se présenter aux élections aux termes de la transition.

L’autorisation du vote des réfugiés par le Parlement de Transition a également contribué à l’apaisement de nombreuses communautés obligées de se réfugier dans les pays voisins, qui ont pu ainsi exercer leur droit de vote.

A cela, il convient de rappeler le séjour du Pape François qui a éminemment contribué à l’apaisement des cœurs et à la baisse des tensions intercommunautaires.

Ainsi le 31 mars 2016, le Président de la République démocratiquement élu à l’issue de scrutins jugés par la Communauté internationale libres et crédibles a été installé dans la plénitude de ses pouvoirs.

Le Chef de l’Etat élu devant prêter serment sur la nouvelle Constitution, il a été procédé à la Promulgation de la nouvelle Constitution le jour de l’investiture, soit le 30 mars 2016, conformément aux dispositions de l’article 159 de ladite Constitution.

Le 30 Mars 2016, eut lieu dans une ambiance festive devant une foule de près de 10 000 personnes, l’investiture du Président élu, Professeur Faustin Archange TOUADERA en présence de deux Chefs d’Etat de la sous-région et de plusieurs notabilités internationales dont plusieurs représentants de Chefs d’Etat étrangers.

La passation de pouvoirs entre le Chef de l’Etat de la Transition et le Président démocratiquement élu a eu lieu au Palais Présidentiel au cours d’un tête à tête, à l’issue duquel un Procès-Verbal de passation a été conjointement signé, suivie de la présentation au Président élu des collaborateurs membres du Cabinet Présidentiel.

Le 6 Avril 2016, le Premier Ministre Mahamat KAMOUN, Chef du Gouvernement de Transition cédait son fauteuil à son successeur dans une ambiance tout aussi bon enfant. S’en suivit la passation de service entre les membres du Gouvernement sortants et entrants selon un tableau défini par l’Inspection Générale d’Etat.

Quarante-cinq jours plus tard, le Cabinet Présidentiel fût remplacé.

Ainsi, avec la prestation de serment et les passations de pouvoirs qui s’en sont suivies, a pris officiellement fin la Transition qui a commencé en 2013 et qui a été poursuivie par CSP à partir du 20 janvier 2014.

En vertu de la Charte Constitutionnelle de la Transition, les autres Institutions devaient rester en place jusqu’à la mise en place des nouvelles par les voies indiquées par la nouvelle Constitution promulguée le 30 Mars 2016.

C’est ainsi que le Conseil National de Transition qui faisait office de Parlement a fait place au mois de Mai 2016 à la nouvelle Assemblée Nationale élue au suffrage universel direct.

Les autres institutions constitutionnelles sont en train de se mettre en place au fur et à mesure selon les principes édictés par la nouvelle Constitution.

Le pari d’un transfert de pouvoir en douceur en République Centrafricaine n’était pas gagné d’avance dans un contexte marqué par une réelle faiblesse des capacités de l’Etat, une insécurité ambiante, des intrigues politiques et une certaine méfiance à l’égard de l’équipe sortante.

Nous retiendrons de ce moment important de l’histoire politique de notre pays la leçon suivante : l’expérience de la Transition a été cruciale dans le processus de sortie de crise en Centrafrique ; la portée de cette expérience pour le retour à un nouvel ordre démocratique et à la légalité constitutionnelle n’est plus à démontrer.

Les éléments essentiels ayant permis l’aboutissement de ce processus ont été : le dialogue permanent, la concertation, la recherche constante du consensus, l’inclusivité, le travail en équipe, une étroite collaboration avec la Communauté internationale mais surtout le respect par le Chef de l’Etat de la parole donnée et de ses engagements.

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